Contre la suppression du Défenseur des Enfants

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Intervention de Denis Mercier relative au vœu présenté par le groupe socialiste au nom de la majorité municipale contre la suppression du Défenseur des Enfants
Conseil municipal du 22 octobre 2009

 

 

Alors qu’à Ivry et dans le monde entier, nous nous apprêtons à célébrer les 20 ans de la Convention relative aux Droits de l’Enfant, le gouvernement a décidé sans concertation la suppression du Défenseur des Enfants, autorité administrative indépendante instituée en 2000. Même Dominique Versini qui exerce cette fonction depuis 2006 l’a appris par la presse.

Chargée de recueillir les plaintes des enfants qui ne peuvent pas soutenir d’action en justice, cette institution unanimement reconnue a déjà traité les demandes de 20 000 enfants défavorisés, isolés ou maltraités. Son rôle consiste également à rendre des avis et proposer des modifications aux textes de loi ou encore à assurer par la conduite d’opérations d’information la promotion des droits de l’enfant. A titre d’exemple, c’est grâce à cette autorité qu’a été créé le délit de recours à la prostitution d’un mineur.

 

Autant sur le fond que sur la forme, c’est donc avec force que nous condamnons cette décision qui va à l’encontre des Droits de l’Enfant. Droits que la droite depuis qu’elle est au pouvoir met régulièrement à mal.

C’est ce qu’a souligné le Comité des droits de l’Enfant de l’ONU dans son rapport de juin 2009 en faisant part de son inquiétude s’agissant de nombreuses observations, parmi lesquelles «la non-application de la décision de la Cour de Cassation quant au droit des familles non françaises résidant en France avec leurs enfants de bénéficier des allocations pour enfants », la « persistance de discriminations à l’encontre des enfants requérants d'asile et réfugiés ou appartenant à des groupes minoritaires tels que les Roms, les gens du voyage et les minorités religieuses » ou encore « l'attitude générale négative de la police à l'égard des enfants, en particulier des adolescents ».

Les préoccupations du Comité que nous partageons toutes sans aucune réserve portent également sur la multiplication des bases de données concernant les enfants -on se souvient de la base élève- pouvant être utilisées à des fins de détection d’enfants de migrants en situation irrégulière, le placement de ces derniers en centre de rétention administrative.

Le rapport souligne en outre l’insuffisance criante des moyens financiers et humains alloués à la justice juvénile, son alignement sur celle des majeurs et l’absence de politique nationale globale sur la prévention de la délinquance ; autant de signes d’un désengagement de l’Etat que la municipalité ivryenne qui vient de mettre en place le Groupe Opérationnel Technique Educatif de Prévention dénonce vigoureusement.

Et lorsqu’il est question d’avancées, elles sont pour la plupart le fruit de l’opiniâtreté du Défenseur des Enfants, comme par exemple l’accroissement à 18 ans de l’âge minimum de mariage pour les filles.

 

Considérant que dans ce contexte, les enfants de notre pays ont plus que jamais besoin de cette institution indépendante ;

 

Considérant que la suppression du Défenseur des enfants représente un grave recul de l’accès au droit dans notre pays et que le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies dans son rapport du 22 juin 2009 a demandé au Gouvernement de « continuer à renforcer le rôle du Défenseur des enfants » ;

 

Considérant que les enfants doivent pouvoir bénéficier de droits spécifiques, ainsi qu’en dispose la Convention de New York de 1989 ;

 

Le Conseil municipal d’Ivry sur Seine réuni le 22 octobre 2009

 

-demande le retrait du projet de loi visant la suppression du Défenseur des Enfants

 

-exige que le gouvernement applique les recommandations du Comité de défense des droits de l’Enfant et revienne dans les meilleurs délais sur les nombreuses mesures attentatoires à la liberté des enfants aujourd’hui en vigueur


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La charte des Nations unies de 1959 a proclamé que l’enfance a droit à une aide et une assistance spéciales. Ce mois ci nous fêtons dans le monde entier le 20ème anniversaire de la convention internationale  des droits de l’enfant. Le monde sans doute  mais la France ?

En 2009 le gouvernement a choisi de supprimer l’institution que la loi a chargée, depuis neuf ans, de veiller au respect de ce traité.

Aucune explication n'aura été donnée. En l'état actuel, le défenseur des enfants sera rayé d'un trait de plume.

Mais pourquoi ?… Pour le diluer dans un nouveau « défenseur des droits »représenté par un collège de trois expert  à voix consultative.

Ce qui revient à dire que tout le travail mené ces dernières années par l’institution et du rapport que les enfants et leurs familles entretenaient  avec la défenseure des enfants Mme Versini va s’engouffrer dans les abysses ou règnent l’abandon et le désordre.

 

En effet, on compte dans le monde plus de deux milliards d’enfants, dont 86% dans les pays en développement. Parmi eux, un milliard (soit un enfant sur deux) vit dans la pauvreté. La pauvreté des enfants n’est pas seulement une question de revenu des parents : elle doit aussi être évaluée sous forme de graves privations, que ce soit dans le domaine de l’alimentation, de l’école ou de la santé.

 

Le Défenseur des Enfants créé en 2000 sur une initiative parlementaire travaille sur ces problématiques. Elle a de plus, rejoint les dix pays européens qui en possédaient auparavant. Leur nombre croît sans cesse, notamment en Afrique. Le président russe a nommé un défenseur des enfants le jour même où le gouvernement français décidait de supprimer le sien.

 

Par conséquent supprimer l’institution serait sentencieux pour les enfants qui ont besoin d’un interlocuteur a part entière. Les témoignages reçus par la défenseure des enfants sont foudroyants…

 

« J'ai 10 ans. Mon père me bat, il me fait peur, il faut que tu m'aides."

 

"J'ai 15 ans. Le juge ne m'a pas entendu quand mes parents ont divorcé. Je ne veux plus vivre avec ma mère. Je vais fuguer."

 

"J'ai 16 ans. Je vis au Caire mais je suis française et musulmane. Mes parents veulent m'envoyer en Mauritanie pour me marier avec un homme de 60 ans que je n'ai jamais vu." »

 

Bien évidemment ces courriers arrivent par centaines sur le bureau de la défenseure des enfants. En neuf ans, cette institution n'a cessé de contribuer à améliorer le droit et les pratiques relatives aux mineurs en portant un regard pluridisciplinaire sur les grandes questions de société :

 

Ø       faire en sorte que la justice entende les enfants quand leurs parents se séparent.

Ø       Proposer un statut pour les beaux-parents dans les familles recomposées.

Ø       Faire punir lourdement les clients des prostitué(e)s mineur(e)s.

Ø       Rehausser l'âge du mariage des filles de 15 à 18 ans pour limiter les unions forcées.

 

Infatigable, afin d’améliorer les conditions de vie de ces mineurs, la défenseure des enfants est allée à leur rencontre dans les écoles puis les instituions spécialisées. Le but est de démontrer au Président de la République que des propositions venant de jeunes ambassadeurs pourraient, quel que soit la décision prise, considérablement garnir le livre d’or qui doit lui être remis prochainement.

 

A l’heure actuelle personne ne comprendrait que la France s'inscrive à contre-courant du mouvement amorcé par ce pédiatre polonais qui, en 1942, est allé volontairement vers la chambre à gaz avec les deux cents orphelins juifs qu'il aura jusqu'au bout tentés de protéger ; Janus Korczak qui demandait pour les enfants du respect... « Du respect pour ce dur travail qu'est la croissance. Du respect pour leur chagrin et pour leurs larmes. Laissons, disait-il, laissons l'enfant, confiant, boire la gaieté du matin".

 

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